Un « zoo du design » : la créativité de Federico Babina pour « What’s in a lamp ? »
Le projet qui transforme le fil Instagram de @foscarinilamps en galerie d’art virtuelle reçoit une nouvelle interprétation créative. Federico Babina, Italien de naissance et Espagnol d’adoption, est le quatrième artiste appelé à interpréter les collections Foscarini.
Federico Babina, architecte et illustrateur, est connu pour les mondes surréalistes, principalement inspirés par l’architecture et le design, qu’il est capable de créer avec ses illustrations et ses animations. Ses séries sont uniques, distinctives, marquées par un style qui les rend immédiatement reconnaissables. Un style qui s’exprime dans les détails, dans le savant équilibre des couleurs et des proportions, dans les motifs grunge, mais aussi – et surtout – dans la capacité à créer et à solliciter des connexions inattendues et surprenantes qui touchent les yeux, l’esprit et le cœur de celui qui regarde.
Dans sa nouvelle série « Lux Like », qui fait partie du projet « What’s in a lamp ? » de Foscarini, Federico Babina s’est amusé à chercher et à reconnaître des animaux dans les formes de certaines lampes de Foscarini. Comme une paréidolie, il les réduit à des formes élémentaires – cercles, rectangles, triangles et lignes – et les transforme en animaux de caractère et d’expression qui vivent, parlent et respirent dans un univers parallèle, une sorte de zoo du design.
Un exercice simple et efficace de créativité et d’imagination qui développe la « pensée élastique » : on ne voit pas une lampe et on ne l’interprète pas comme telle, mais on voit l’éléphant qui la contient. Une série d’illustrations où Federico Babina joue sérieusement avec les formes et les couleurs. Où tout ce qui apparaît n’est pas forcément ce qu’il semble être. Des lampes qui composent un zoo de Foscarini où les animaux sont faits et construits de design.
Parlez-nous un peu de vous et de votre parcours : quand avez-vous commencé à dessiner et comment avez-vous développé votre style distinctif ?
Je suis Federico Babina (depuis 1969), architecte et graphiste (depuis 1994), je vis et travaille à Barcelone (depuis 2007), mais je suis avant tout une personne curieuse (depuis toujours).
Chaque jour, j’essaie de trouver une façon de regarder le monde à travers l’innocence des yeux d’un enfant. Les enfants sont capables d’avoir une vision totalement désinhibée des choses, sans le conditionnement de l’expérience. Quand j’étais enfant, je voulais être architecte et maintenant que je suis architecte, j’aimerais parfois redevenir un enfant.
J’aime essayer de raconter le monde que je vois à travers différentes techniques d’expression. J’aime la richesse de la langue et la diversité de ses formes.
Je suis né avec des illustrations de contes de fées, j’ai grandi avec des illustrations de bandes dessinées et j’ai mûri avec des dessins d’architecture. L’illustration fait partie de mon monde imaginaire.
Je m’efforce de donner à mon travail la rigueur de l’architecture, la liberté de la peinture, le rythme et la pause de la musique et le mystère magique du cinéma. Essayer de mélanger des langues apparemment hétérogènes qui ne communiquent plus entre elles.
Comment l’architecte et l’illustrateur Federico Babina coexistent-ils et s’influencent-ils mutuellement ?
Un architecte doit être un bon illustrateur. La capacité de communication visuelle est un outil indispensable.
Le dessin est la première façon de donner forme à une idée. Les idées sont sculptées et transformées par l’illustration.
Je n’enlève pas les vêtements d’architecte pour enfiler le costume d’illustrateur.
Le dénominateur commun de mes œuvres est « moi ». Mon approche et ma façon de travailler ne changent pas en fonction du travail. J’aime peindre et prendre des photos autant que dessiner et écrire. Je crois qu’il y a une certaine cohérence dans l’expression de chacun d’entre nous, quel que soit le support utilisé.
Je trouve des analogies, des similitudes, des affinités et des relations infinies entre différentes formes d’expression. Qu’il s’agisse d’une illustration, d’un objet de design ou d’un bâtiment, mon processus créatif est similaire et suit des règles communes et les mêmes trajectoires. Le processus créatif d’une composition architecturale répond à des mécanismes qui meuvent et mettent en mouvement la machinerie de tout travail intellectuel.
Je suis parfois un architecte passionné par l’illustration et parfois un illustrateur passionné par l’architecture.
Comment est née la collaboration avec Foscarini ?
Foscarini m’a contacté et m’a demandé de trouver une manière personnelle de représenter une idée de produit plutôt qu’un objet lui-même. Le tout avec une liberté d’expression absolue. Une collaboration de ce type est toujours un défi stimulant. Les objets existent et il s’agit de trouver le moyen de proposer un autre point de vue.
Dans ce projet pour Foscarini, vous avez combiné ironie et tendresse et construit un « zoo » inattendu à partir des silhouettes emblématiques des lampes de la collection Foscarini. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’inspiration de cette série ?
Le projet s’appelle LUX LIKE et travaille sur la perception. L’idée est de transformer la perception de l’objet du design.
Notre esprit est capable de collecter, d’enregistrer et de stocker des millions d’images. Ce qui m’intéresse toujours, c’est l’association que l’on peut faire entre ces images. Comme dans le « petit prince », voir au-delà du dessin d’un chapeau et apercevoir la silhouette d’un boa en train de digérer un éléphant.
Dans cette œuvre pour Foscarini, 9 lampes sont transformées en animaux de caractère et expressifs qui vivent, parlent et respirent dans un univers parallèle, une sorte de zoo design.
Comme dans une paréidolie du design, je me suis amusée à chercher et à reconnaître des animaux dans les formes de certaines lampes de Foscarini : c’est un exercice simple et efficace de créativité et d’imagination qui développe la « pensée élastique ».
Notre regard est incapable de saisir l’invisible et notre raison tire mécaniquement ses propres conclusions et porte ses propres jugements rigoureux sur la seule base de l’évidence d’une apparence.
J’ai essayé de ne pas envoyer au cerveau des informations rationnelles pour qu’il les reconnaisse par la connaissance, mais de le laisser libre de chercher une association instinctive. Ne pas voir une lampe et l’interpréter comme telle, mais voir l’éléphant qui l’entoure.
LUX LIKE est une série d’illustrations où je joue sérieusement avec les volumes, les couleurs et les formes. Où tout ce qui apparaît pourrait ne pas être ce qu’il semble.
Des lampes qui composent un zoo de Foscarini où les animaux sont faits et construits de design.
Quelle est ou quelles sont votre ou vos illustration(s) préférée(s) dans cette série et pourquoi ?
Je ne peux pas choisir entre mes illustrations, c’est comme demander de choisir entre des enfants. Lorsque je travaille en série, je considère les illustrations individuelles comme des pièces d’une mosaïque globale représentant un concept et une idée. Ce sont des pièces d’un puzzle global, aucune n’est fondamentale et en même temps toutes le sont. L’important, c’est la composition d’ensemble que dessinent toutes les pièces.
Dans vos illustrations et animations, des géométries simples s’additionnent pour créer des compositions capables de raconter des histoires d’un seul coup d’œil, qui frappent l’œil, l’esprit et le cœur de celui qui regarde. Pouvez-vous nous parler de la partie « narrative » de votre processus de création ?
Comme le disait Bruno Munari : Il est facile de compliquer, il est difficile de simplifier.
La simplicité est la chose la plus difficile à réaliser. Pour simplifier, il faut supprimer, et pour supprimer, il faut savoir ce qui est superflu. Ce que je recherche toujours dans mon travail, c’est un fil narratif. Un récit qui vous emmène à l’intérieur d’une histoire, comme une porte qui s’ouvre sur un univers parallèle et qui offre au spectateur des éléments et des outils pour poursuivre l’histoire. La force de l’illustration est de laisser une certaine liberté d’interprétation. Je commence les histoires et ceux qui les regardent les poursuivent et parfois les complètent.
Quelles sont vos références dans le monde de l’art et de l’illustration ? Et quels sont les architectes que vous appréciez le plus ?
Au fil des ans, je me suis imprégné et nourri de la culture qui m’entoure. Nous sommes comme des « mixeurs » qui mélangent et combinent différents ingrédients pour obtenir un mélange personnel. Il n’y a pas de figure unique que je considère comme une source d’inspiration. De nombreuses personnes m’ont inspiré, aidé, surpris et guidé. Je n’aime pas faire ce genre de classement, je me sens comme une mosaïque en cours de réalisation où beaucoup, pour le meilleur ou pour le pire, inconnus ou connus, ont contribué et contribuent à la composition globale et à l’emplacement de chaque pièce.
Je n’ai pas vraiment de références et de modèles précis. Mes sources vont du monde du graphisme à l’art, au monde de l’architecture en passant par la bande dessinée et la publicité. J’ai de nombreux amants mais je n’ai jamais épousé personne…
Vos œuvres font appel à la créativité et à la capacité de regarder la réalité sous des angles différents et originaux : comment conservez-vous votre fraîcheur pour faire place aux idées ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Je ne crois pas beaucoup à l’inspiration. Les idées sont là qui nous attendent si nous savons les voir. Je cherche toujours un élément générateur, un point de départ pour pouvoir façonner et sculpter une idée. Tantôt l’image tourne comme sous l’effet d’une force centrifuge autour de cet élément central, tantôt elle prend des directions différentes et surprenantes. Il n’y a pas de règle dans mon processus de création, il peut être lent et laborieux ou subtil et intuitif.
La recherche d’inspiration et d’idées est une tâche quotidienne et constante. C’est comme marcher vers un endroit sans savoir comment s’y rendre. Parfois, on trouve facilement son chemin, parfois on s’y perd. L’important est de vouloir arriver.
J’essaie d’avoir une vision transversale des choses. D’essayer de basculer pour lire les formes sans l’inhibition de l’expérience. D’essayer de regarder le monde à l’envers. Le monde ne change pas, seule la perspective de regarder les choses change pour révéler les vides, les silences et les surprises cachés entre les formes.
J’essaie d’écouter et d’observer, d’activer tous les sens, puis de filtrer les informations et d’élaborer un résultat personnel.
Quel est votre sujet de dessin préféré ?
L’architecture est souvent le protagoniste. J’aime rechercher les relations (im)possibles entre l’architecture et d’autres mondes et les trouver dans des « lieux sensibles ».
J’aime trouver des architectures cachées dans des univers parallèles. En ce sens, l’illustration m’aide à explorer des langages alternatifs.
Dans mes images, j’essaie d’établir un dialogue imaginaire et imaginé entre différentes disciplines. Les fils qui unissent et tissent les relations peuvent être fins et transparents ou solides et pleins de corps. Une intrigue hétérogène et imaginative qui relie l’architecture à des mondes apparemment différents dans un « unicum » illustré.
J’essaie de trouver l’architecture cachée et de lui faire parler un langage différent pour communiquer avec un public qui peut être « étranger » à l’architecture.
Avez-vous un rituel de dessin ?
Je suis plus prolifique le matin et j’ai plus d’idées le soir, mais en général je n’ai pas de règle fixe.
Les choses peuvent changer et je suis toujours à la recherche de nouveaux ingrédients pour ajouter de nouvelles saveurs à mes images. Je change constamment, j’évolue et parfois je fais marche arrière, et mes projets suivent mes changements et mes fluctuations. J’aime me sentir libre, libre de m’exprimer sans avoir à m’enfermer dans la « prison d’un style ou d’une forme ». Lorsque je crée des illustrations, j’utilise toujours un collage de différentes techniques et programmes. Du dessin à la main au dessin vectoriel et aux programmes de modélisation 3D. Ces différents ingrédients me permettent d’obtenir le mélange et l’atmosphère souhaités. Toutes les techniques constituent un outil de travail utile. J’aime croiser et entremêler différentes méthodologies pour tisser la toile graphique, le résultat est toujours plus précieux.
Que signifie la créativité pour vous ?
Une question difficile.
La créativité, c’est comme offrir un cadeau. Il doit être choisi avec soin. Une fois que vous avez décidé quel sera le cadeau, vous devez l’emballer. La boîte est importante, car elle ne se contente pas de contenir et de protéger le produit, mais elle peut ou non en révéler le contenu. Le papier qui l’enveloppe est comme la peau d’une œuvre de création. C’est la première chose que l’on voit lorsqu’on reçoit un cadeau. Enfin, le ruban, qui est comme une bizarrerie offrant une touche de légèreté et d’élégance. L’observateur d’une œuvre créative, quelle qu’elle soit, est comme le destinataire d’un cadeau. Il le déballe et découvre enfin la surprise. Parfois on aime, parfois on n’aime pas.